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— « Mais, c’est de la crasse, ma bonne vieille, c’est de la crasse que vous avez là ! » —

Jamais elle ne répondait aux injures du vieux par une injure. D’ailleurs, toujours en train de digérer, elle parlait avec une certaine difficulté, et souvent, malgré elle, le mot qu’elle commençait s’achevait en un renvoi discret. Bien qu’elle détestât son homme de presque toutes les parties de son cœur, elle n’hésitait pas, bravant l’inévitable rebuffade, à s’approcher parfois de lui, un peigne à la main.

— « Qu’est-ce que tu veux, disait le vieux, tout de suite tremblant de colère. Qu’est-ce que tu viens faire ici ? » —

— « Laisse-moi démêler ta barbe qui s’en va bout-ci, bout-là. » —

— « Si tu approches, criait le vieux vermillonné, si tu me touches, tu m’entends, garce, c’est à moi que tu auras affaire ! » —

Mais elle avançait quand même, et bientôt la longue barbe coulait entre ses doigts, blanche comme un jet de fleur de farine.

— « Veux-tu me laisser tranquille, charogne ! » — disait le vieux, mais sans la repousser, les yeux au plafond pour ne pas la voir.

Cela ne se passait pas toujours ainsi. Quand, somnolente, la vieille oubliait de lui ratisser le