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II

LES PERDRIX


Comme à l’ordinaire, M. Lepic vida sur la table sa carnassière. Elle contenait deux perdrix. Grand frère Félix les inscrivit sur une ardoise pendue au mur. C’était sa fonction. Chacun des enfants avait la sienne. Sœur Ernestine dépouillait et plumait le gibier. Quant à Poil-de-Carotte, il était spécialement chargé d’achever les pièces blessées. Il devait ce privilège à la dureté bien connue de son cœur sec. Les deux perdrix s’agitèrent, remuèrent le col.

— « Qu’est-ce que tu attends pour les tuer ? » — dit Mme  Lepic.

— « Maman, répondit Poil-de-Carotte, j’aimerais autant les marquer sur l’ardoise, à mon tour. » —

— « L’ardoise est trop haute pour toi. » —

— « Alors, j’aimerais autant les plumer. » —

— « Ce n’est pas l’affaire des hommes. » —

Poil-de-Carotte prit les deux perdrix. On lui donna obligeamment les indications d’usage :