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le bain

reté, un petit mur de pierres sèches, et la rivière brusquement apparue coule devant lui. L’instant est passé de rire.

Des reflets glacés miroitent sur l’eau enchantée.

Elle clapote comme des dents claquent et exhale une odeur fade.

Il s’agit d’entrer là-dedans, d’y séjourner et de s’y occuper, tandis que M. Lepic comptera sur sa montre le nombre de minutes réglementaire. Poil de Carotte frissonne. Une fois de plus son courage, qu’il excitait pour le faire durer, lui manque au bon moment, et la vue de l’eau, attirante de loin, le met en détresse.

Poil de Carotte commence de se déshabiller, à l’écart. Il veut moins cacher sa maigreur et ses pieds, que trembler seul, sans honte.

Il ôte ses vêtements un à un et les plie avec soin sur l’herbe. Il noue ses cordons de souliers et n’en finit plus de les dénouer.

Il met son caleçon, enlève sa chemise courte et, comme il transpire, pareil au sucre de pomme qui poisse dans sa ceinture de papier, il attend encore un peu.