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la timbale

— Mais, dit Poil de Carotte qui sourit finement, je ne boirai plus jamais, si je n’ai jamais soif. Voyez les lapins et les cochons d’Inde, leur trouvez-vous du mérite ?

— Un cochon d’Inde et toi, ça fait deux, dit grand frère Félix.

Poil de Carotte, piqué, leur montrera ce dont il est capable. Madame Lepic continue d’oublier sa timbale. Il se défend de la réclamer. Il accepte avec une égale indifférence les ironiques compliments et les témoignages d’admiration sincère.

— Il est malade ou fou, disent les uns.

Les autres disent :

— Il boit en cachette.

Mais tout nouveau, tout beau. Le nombre de fois que Poil de Carotte tire la langue, pour prouver qu’elle n’est point sèche, diminue peu à peu.

Parents et voisins se blasent. Seuls quelques étrangers lèvent encore les bras au ciel, quand on les met au courant :

— Vous exagérez : nul n’échappe aux exigences de la nature.

Le médecin consulté déclare que le cas lui