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Poil de Carotte

Quelques instants après, il faut transporter, coucher avec précaution, sur le lit, grand frère Félix qui vient de se trouver mal à la vue du sang de son petit frère. Toute la famille est là, debout, sur la pointe du pied, et soupire, appréhensive :

— Où sont les sels ?

— Un peu d’eau bien fraîche, s’il vous plaît, pour mouiller les tempes.

Poil de Carotte monte sur une chaise afin de voir par-dessus les épaules, entre les têtes. Il a le front bandé d’un linge déjà rouge, où le sang suinte et s’écarte.

M. Lepic lui a dit :

— Tu t’es joliment fait moucher !

Et sa sœur Ernestine qui a pansé la blessure :

— C’est entré comme dans du beurre.

Il n’a pas crié, car on lui a fait observer que cela ne sert à rien.

Mais voici que grand frère Félix ouvre un œil, puis l’autre. Il en est quitte pour la peur, et comme son teint graduellement se colore, l’inquiétude, l’effroi se retirent des cœurs.