Page:Renard - Poil de Carotte, 1902.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
Poil de Carotte

flanque Poil de Carotte debout, ameute la famille et s’écrie :

— Qu’est-ce que j’ai donc fait au ciel pour avoir un enfant pareil ?

Et tantôt elle apporte des torchons, un seau d’eau, elle inonde la cheminée comme si elle éteignait le feu, elle secoue la literie et elle demande de l’air ! de l’air ! affairée et plaintive.

Et tantôt elle gesticule au nez de Poil de Carotte :

— Misérable ! tu perds donc le sens ! Te voilà donc dénaturé ! Tu vis donc comme les bêtes ! On donnerait un pot à une bête, qu’elle saurait s’en servir. Et toi, tu imagines de te vautrer dans les cheminées. Dieu m’est témoin que tu me rends imbécile, et que je mourrai folle, folle, folle !

Poil de Carotte, en chemise et pieds nus, regarde le pot. Cette nuit il n’y avait pas de pot, et maintenant il y a un pot, là, au pied du lit. Ce pot vide et blanc l’aveugle, et s’il s’obstinait encore à ne rien voir, il aurait du toupet.

Et, comme sa famille désolée, les voisins