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Poil de Carotte

qu’il ferme les poules, une première précaution, il ne peut espérer qu’elle suffira jusqu’au lendemain matin. On dîne, on veille, 9 heures sonnent, il y a longtemps que c’est la nuit, et la nuit va durer encore une éternité. Il faut que Poil de Carotte prenne une deuxième précaution.

Et ce soir, comme tous les soirs, il s’interroge.

— Ai-je envie ? se dit-il ; n’ai-je pas envie ?

D’ordinaire il se répond « oui », soit que, sincèrement, il ne puisse reculer, soit que la lune l’encourage par son éclat. Quelquefois M. Lepic et grand frère Félix lui donnent l’exemple. D’ailleurs la nécessité ne l’oblige pas toujours à s’éloigner de la maison, jusqu’au fossé de la rue, presque en pleine campagne. Le plus souvent il s’arrête au bas de l’escalier ; c’est selon.

Mais, ce soir, la pluie crible les carreaux, le vent a éteint les étoiles et les noyers ragent dans les prés.

— Ça se trouve bien, conclut Poil de Carotte, après avoir délibéré sans hâte, je n’ai pas envie.