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la révolte

Poil de Carotte se tient au milieu de la cour, à distance, surpris de s’affermir en face du danger, et plus étonné que madame Lepic oublie de le battre. L’instant est si grave qu’elle perd ses moyens. Elle renonce à ses gestes habituels d’intimidation, au regard aigu et brûlant comme une pointe rouge. Toutefois, malgré ses efforts, les lèvres se décollent à la pression d’une rage intérieure qui s’échappe avec un sifflement.

— Mes amis, dit-elle, je priais poliment Poil de Carotte de me rendre un léger service, de pousser, en se promenant, jusqu’au moulin. Devinez ce qu’il m’a répondu ; interrogez-le, vous croiriez que j’invente.

Chacun devine et son attitude dispense Poil de Carotte de répéter.

La tendre Ernestine s’approche et lui dit bas à l’oreille :

— Prends garde, il t’arrivera malheur. Obéis, écoute ta sœur qui t’aime.

Grand frère Félix se croit au spectacle. Il ne céderait sa place à personne. Il ne réfléchit point que si Poil de Carotte se dérobe désormais, une part des commissions reviendra de