Page:Renard - Poil de Carotte, 1902.djvu/258

Cette page a été validée par deux contributeurs.
240
Poil de Carotte

voir, cette petite boule ronde, couleur du sol.

— Recule-toi, lui dit M. Lepic, tu es trop près.

Mais Poil de Carotte, instinctif, fit un pas de plus en avant, épaula, déchargea son arme à bout portant et rentra dans la terre la boulette grise. Il ne put retrouver de sa caille broyée, disparue, que quelques plumes et un bec sanglant.

Toutefois, ce qui consacre la renommée d’un jeune chasseur, c’est de tuer une bécasse, et il faut que cette soirée marque dans la vie de Poil de Carotte.

Le crépuscule trompe, comme chacun sait. Les objets remuent leurs lignes fumeuses. Le vol d’un moustique trouble autant que l’approche du tonnerre. Aussi, Poil de Carotte, ému, voudrait bien être à tout à l’heure.

Les grives, de retour des prés, fusent avec rapidité entre les chênes. Il les ajuste pour se faire l’œil. Il frotte de sa manche la buée qui ternit le canon du fusil. Des feuilles sèches trottinent çà et là.

Enfin, deux bécasses, dont les longs becs alourdissent le vol, se lèvent, se poursuivent