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Poil de Carotte

ou le cacher dans une haie, et nous le reprendrons ce soir ?

— Non, papa, dit Poil de Carotte, j’aime mieux le garder.

Il lui arrive de porter une journée entière deux lièvres et cinq perdrix. Il glisse sa main ou son mouchoir sous la courroie du carnier, pour reposer son épaule endolorie. S’il rencontre quelqu’un, il montre son dos avec affectation et oublie un moment sa charge.

Mais il est las, surtout quand on ne tue rien et que la vanité cesse de le soutenir.

— Attends-moi ici, dit parfois M. Lepic. Je vais battre ce labouré.

Poil de Carotte, irrité, s’arrête debout au soleil. Il regarde son père piétiner le champ, sillon par sillon, motte à motte, le fouler, l’égaliser comme avec une herse, frapper de son fusil les haies, les buissons, les chardons, tandis que Pyrame même, n’en pouvant plus, cherche l’ombre, se couche un peu et halette, toute sa langue dehors.

— Mais il n’y a rien là, pense Poil de Carotte. Oui, tape, casse des orties, fourrage. Si j’étais lièvre gîté au creux d’un fossé, sous