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Poil de Carotte

Des brumes blanches glissent au ras du pré, cachent peut-être de légers fantômes.

Poil de Carotte, ses mains derrière son dos, leur prouve qu’ils n’ont rien à craindre.

Un bœuf approche, s’arrête et souffle, détale ensuite, répand jusqu’au ciel le bruit de ses quatre sabots et s’évanouit.

Quel calme, si le ruisseau bavard ne caquetait pas, ne chuchotait pas, n’agaçait pas autant, à lui seul, qu’une assemblée de vieilles femmes.

Poil de Carotte, comme s’il voulait le frapper pour le faire taire, lève doucement un bâton de pêchette et voici que du milieu des roseaux montent des écrevisses géantes.

Elles croissent encore et sortent de l’eau, droites, luisantes.

Poil de Carotte, alourdi par l’angoisse, ne sait pas fuir.

Et les écrevisses l’entourent.

Elles se haussent vers sa gorge.

Elles crépitent.

Déjà elles ouvrent leurs pinces toutes grandes.