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Poil de Carotte

Son principal amusement consiste à creuser quatre nids avec son derrière, un à chaque coin du toiton. Il ramène de sa main, comme d’une truelle, des bourrelets de poussière et se cale.

Le dos au mur lisse, les jambes pliées, les mains croisées sur ses genoux, gîté, il se trouve bien. Vraiment il ne peut pas tenir moins de place. Il oublie le monde, ne le craint plus. Seul un bon coup de tonnerre le troublerait.

L’eau de vaisselle qui coule non loin de là, par le trou de l’évier, tantôt à torrents, tantôt goutte à goutte, lui envoie des bouffées fraîches.

Brusquement, une alerte.

Des appels approchent, des pas.

— Poil de Carotte ? Poil de Carotte ?

Une tête se baisse et Poil de Carotte, réduit en boulette, se poussant dans la terre et le mur, le souffle mort, la bouche grande, le regard même immobilisé, sent que des yeux fouillent l’ombre.

— Poil de Carotte, es-tu là ?

Les tempes bosselées, il souffre. Il va crier d’angoisse.