Page:Renard - Poil de Carotte, 1902.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.
148
Poil de Carotte

vivent côte à côte, du même régime, dans le même air. Certes, au bout de trois mois, grand frère Félix ne peut montrer pied blanc, mais Poil de Carotte, de son propre aveu, ne reconnaît plus les siens.

Honteux, il les plonge dans l’eau avec l’habileté d’un escamoteur. On ne les voit pas sortir des chaussettes et se mêler aux pieds de grand frère Félix qui occupent déjà tout le fond du baquet, et bientôt, une couche de crasse s’étend comme un linge sur ces quatre horreurs.

M. Lepic se promène, selon sa coutume, d’une fenêtre à l’autre. Il relit les bulletins trimestriels de ses fils, surtout les notes écrites par M. le proviseur lui-même : celle de grand frère Félix :

« Étourdi, mais intelligent. Arrivera. »

et celle de Poil de Carotte :

« Se distingue dès qu’il veut, mais ne veut pas toujours. »

L’idée que Poil de Carotte est quelquefois distingué amuse la famille. En ce moment, les bras croisés sur ses genoux, il laisse ses pieds tremper et se gonfler d’aise. Il se sent exa-