Page:Renard - Poil de Carotte, 1902.djvu/153

Cette page a été validée par deux contributeurs.
135
les joues rouges

tait la révélation de quelque mystère. Violone continue, le plus bas qu’il peut. Ce sont des mots inarticulés, lointains, des syllabes à peine localisées. Poil de Carotte qui, sans oser se retourner, se rapproche insensiblement, au moyen de légères oscillations de hanches, n’entend plus rien. Son attention est à ce point surexcitée que ses oreilles lui semblent matériellement se creuser et s’évaser en entonnoir ; mais aucun son n’y tombe.

Il se rappelle avoir éprouvé parfois une sensation d’effort pareille en écoutant aux portes, en collant son œil à la serrure, avec le désir d’agrandir le trou et d’attirer à lui, comme avec un crampon, ce qu’il voulait voir. Cependant il le parierait, Violone répète encore :

— Oui, mon affection est pure, pure, et c’est ce que ce petit imbécile ne comprend pas !

Enfin le maître d’étude se penche avec la douceur d’une ombre sur le front de Marseau, l’embrasse, le caresse de sa barbiche comme d’un pinceau, puis se redresse pour s’en aller, et Poil de Carotte le suit des yeux, glissant