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Agathe

pour flatter madame Lepic, qui, seule de la famille, l’aime beaucoup.

Plus indépendants, grand frère Félix et sœur Ernestine veulent-ils une seconde portion, ils poussent, selon la méthode de M. Lepic, leur assiette du côté du plat.

Mais personne ne parle.

— Qu’est-ce qu’ils ont donc ? se dit Agathe.

Ils n’ont rien. Ils sont ainsi, voilà tout.

Elle ne peut s’empêcher de bâiller, les bras écartés, devant l’un et devant l’autre.

M. Lepic mange avec lenteur, comme s’il mâchait du verre pilé.

Madame Lepic, pourtant plus bavarde, entre ses repas, qu’une agace, commande à table par gestes et signes de tête.

Sœur Ernestine lève les yeux au plafond.

Grand frère Félix sculpte sa mie de pain, et Poil de Carotte, qui n’a plus de timbale, ne se préoccupe que de ne pas nettoyer son assiette, trop tôt, par gourmandise, ou trop tard, par lambinerie. Dans ce but, il se livre à des calculs compliqués.

Soudain M. Lepic va remplir une carafe d’eau.