Page:Renard - Poil de Carotte, 1902.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.
89
la marmite

Elle secouerait la tête.

Elle a toujours vu une marmite pendre au bout de la crémaillère.

Elle a toujours entendu de l’eau bouillir et, la marmite vidée, qu’il pleuve, qu’il vente ou que le soleil tape, elle l’a toujours remplie.

Et maintenant, il n’est même plus nécessaire qu’elle touche la marmite, ni qu’elle la voie ; elle la connaît par cœur. Il lui suffit de l’écouter, et si la marmite se tait, elle y jette un seau d’eau, comme elle enfilerait une perle, tellement habituée que jusqu’ici elle n’a jamais manqué son coup.

Elle le manque aujourd’hui pour la première fois.

Toute l’eau tombe dans le feu et un nuage de cendre, comme une bête dérangée qui se fâche, saute sur Honorine, l’enveloppe, l’étouffe et la brûle.

Elle pousse un cri, éternue et crache en reculant.

— Châcre ! dit-elle, j’ai cru que le diable sortait de dessous terre.

Les yeux collés et cuisants, elle tâtonne avec ses mains noircies dans la nuit de la cheminée.