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LA CANTATRICE

coup s’étaient glissés jusqu’au seuil de la chambre ; ils s’esquivaient en rougissant. Quelques-uns pleuraient. La vie recommença ; tous, au bruit qu’elle fait, grincèrent des dents.

Cette manière de scandale n’eut pour mon ami Gunsbourg que d’heureuses conséquences. Mme Borelli chanta l’oiseau comme la veille, en présence d’un peuple d’élite dont l’entassement débordait aux galeries et obturait les issues, lourde pâte auditive et multiple ; et la musique de Wagner ne fut pas sur ses lèvres un sortilège assez impérieux pour aspirer dans les coulisses la légion de ses adorateurs.

J’étais placé à l’orchestre.

En levant les yeux, j’aperçus au balcon, juste au-dessus de ma tête, un vieux monsieur dont la longue barbe blanche me fit tressaillir. La lorgnette me révéla l’image que les miroirs ont coutume de me renvoyer, avec cette différence que, de nous deux, c’était moi le reflet ; moi la réplique effacée, molle et déco-