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LA CANTATRICE

mis au bas de l’escalier, se hâtant lui aussi vers la chanteuse magnétique.

Fut-ce par l’effet de l’indomptable curiosité qui m’attachait à leur destin ? Fut-ce par la vertu de l’aimantation mélodieuse ? Toujours est-il que je bondissais derrière lui.

De toutes parts on accourait à l’appel dardé de la voix. Ce qu’elle chantait ne ressemblait à rien de connu. Cela saillissait, se tordait et s’épanchait en cris délicieux. C’était tout le printemps qui chantait tout l’amour. Les hommes, subjugués, allaient au cantique infernal comme les petits oiseaux vont à l’œil du serpent. Il y avait des femmes qui s’efforçaient d’en retenir quelques-uns, et certaines autres qui suivaient la course à la voix. Les bras se tendaient, les yeux étaient fous, les jambes fébriles s’activaient mécaniquement. Une cohue d’automates fanatisés se pressait à la porte de la Villa des Mouettes et sous la fenêtre ouverte de la chanteuse. Borelli s’y jeta d’un élan forcené, ramant des bras et des jambes, progressant à grands coups de reins et d’encolure au sein de cette onde vivante, avec des gestes de nageur et