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LA CANTATRICE

l’affluence que la chanteuse attirait au théâtre et dans la principauté. Grâce à elle, la location était assurée pour quinze jours et les hôtels regorgeaient.

Là-dessus, l’époux-impresario me déclara qu’il allait exiger de Gunsbourg une sérieuse augmentation, ou que sa femme ne chanterait plus. Et je suppose qu’il était sur le point de réitérer sa demande de cinq cents francs ; mais un fait imprévu l’en détourna.

Son masque changea. L’oreille au guet, il m’imposa silence. Avant que j’eusse entendu quoi que ce fût, l’énergumène se précipita sur le balcon.

Tous les passants, tous les promeneurs se dirigeaient dans le même sens, à pas pressés, d’une allure hypnotique et taciturne qui vous angoissait au premier coup d’œil. Là-bas, du côté de la Villa des Mouettes, une voix extraordinaire lançait un chant désordonné. Et c’est vers cette voix que tous ces gens marchaient comme des somnambules.

Mon visiteur s’emporta :

— « Je lui avais défendu cependant… »

La suite se perdit. Quatre sauts l’avaient