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LA CANTATRICE

d’opium. La Borelli n’était plus qu’une créature triste et fagotée, que mes louanges ne savaient pas dérider. Les ovations la laissèrent indifférente. Son cavalier l’emmena précipitamment, « pour éviter, disait-il, les indiscrets à la sortie ». Je voulus les accompagner ; il s’y opposa, de mauvaise grâce.

Or, une heure plus tard, ne pouvant calmer l’agitation qui me restait d’un émoi pourtant si bref, j’errais seul au bord de la mer, assez loin des maisons.

La silhouette d’un homme debout sur un rocher se détacha de l’ombre.

La nouvelle lune éclairait faiblement le paysage marin. Je crus reconnaître Borelli. Partagé entre la crainte et la curiosité, j’avançai furtif à travers les blocs du rivage, le perdant de vue à chaque instant pour le retrouver plus proche, immobile autant que son piédestal. C’était bien lui, statuaire.

Où l’avais-je donc rencontré ?…

Me souvenant des transes que lui causait