Page:Renard - Outremort et autres histoires singulières, Louis-Michaud, 1913.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
M. D’OUTREMORT

caparaçonnés de manteaux, qui gardaient un calme effroyable !

Le bolide effleura la cohue de droite, puis, d’une embardée, celle de gauche, puis se rejeta sur la droite ; ainsi de suite. Et d’atroces clameurs accompagnaient chaque sinuosité de la voiture, et les hommes s’abattaient à la file, en épis, parce qu’elle les fauchait avec de larges faulx disposées à la hauteur du jarret, comme celles des chars militaires de l’antiquité…

L’éclair d’une seconde, lancée en express, elle parcourut ainsi la longueur du fossé de chair, titubant d’une rive à l’autre et laissant après elle une horrible boucherie. (Le sang coulait dans les ruisseaux comme l’eau quand il pleut.)

Ce faisant, elle atteignit la place comble, et là, plutôt que de suivre l’allée qu’on lui ménageait en ligne droite, elle obliqua tout à l’improviste et s’enfonça dans le plein des assistants.

Or, telles étaient sa vitesse acquise et sa force, qu’elle fournit encore un fier trajet avant de s’arrêter. Son allure imitait le bour-