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LA GLOIRE DU COMACCHIO

comme ceux de Bindelli et de Marescotti au dôme ! Nos ducs da Este n’y connaissent rien en sculpture ! Rien ! Depuis qu’un de leurs aïeux a protégé Pisanello (qui ne fut qu’un médailleur !), depuis cent années, il n’y en a que pour les poètes dans cette cour de brutes et dans cette ville de ganaches ! À Ferrare, un madrigal, un concetto vous met son rimailleur au pinacle. Les troubadours commandent. Boïardo capitaine de Modène ! Ariosto gouverneur de Garfagnana ! Si ce n’est pas ridicule !… Ah ! vous êtes poète, mon cher ? Prenez donc ce trône !… »

— « Tout beau, Messer », dit le Juif en tapant sur le mur de l’hôpital Santa Anna qu’ils longeaient. « Vous oubliez que Torquato Tasso est incarcéré là-dedans… »

— « C’est vrai. Mais pousse la porte de cette église, et que vois-tu ? Le tombeau de Pigna, son rival, enterré comme un doge parce qu’il fut l’ami intime d’Alfonso ! »

— « Le duc Alfonso ne dédaigne pas les sculpteurs, » insinua Tubal, « puisque c’est Baccio qui succède à Pigna dans ses bonnes grâces… »