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LA GLOIRE DU COMACCHIO

le dragon ? cela se peut. Est-ce une Ève au serpent malin ? cela se peut aussi. — Je préfère l’envoi de Tribolo, bien qu’il puisse s’intituler Courtisane appuyée au mur céramique. Vague portrait d’Impéria, sa maîtresse du jour. Ivoire et marbre polychrome, cabochons, métaux niellés. La roche est de porphyre, les chaînettes d’argent (des bracelets !). L’héroïne porte une ferronnière ! Jolie pièce montée que l’on dirait mangeable. Vous n’en donneriez pas deux quattrini. »

Cesare ne put s’empêcher de rire.

— « Que t’avais-je dit ? Tu vois bien ! Je n’ai rien à craindre d’un maçon et d’un orfèvre ! »

— « Messer, vous avez prononcé le mot terrible : orfèvre. Aujourd’hui ces gens-là sont maîtres de la mode. »

Le statuaire le saisit au poignet :

— « Veux-tu prétendre que Tribolo seul, parce qu’il est orfèvre… »

— « Non ! — Seigneur, lâchez-moi, vous me faites mal ! — Non. De son Andromède à la vôtre la distance est trop visible. On ne peut s’y tromper. Celle-ci prévaudra, bien qu’elle