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LA GLOIRE DU COMACCHIO

Seul, immobile, campé face à face avec la géante de plâtre, Cesare Bordone écoutait le vivat se répercuter dans son esprit devenu profond de souvenir et d’espoir, et semblable au paysage de sa destinée.

Il revoyait son enfance pouilleuse et boueuse au bord des lagunes adriatiques, parmi la marmaille des pêcheurs, sa vie d’acharnement et de déboires…

Et voilà que lui, le fils d’un muletier de Comacchio, le fils du plus humble citoyen de la plus humble bourgade, on l’appellerait le Comacchio, du nom de sa ville natale, comme le Pérugin, comme le Vinci !…

Oh ! Felipe avait crié cela vers l’avenir ! Le monde futur le redirait jusqu’à la fin des temps !… Et puis, du reste, quoi de plus raisonnable ? Le Comacchio ! Que ces syllabes se prononçaient aisément !…

Ainsi, c’était donc lui, Cesare Bordone, qui aurait illustré l’obscure cité maritime, et grâce à Madame Andromède : quelques sacs de poussière gâchés avec industrie !…

Cesare Bordone se sentit grandir à la taille