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M. D’OUTREMORT

sa sœur la chanoinesse, le trisaïeul et la grand’tante de Savinien.

Trop hautains pour émigrer comme leur fils et neveu Théophane, les deux vieillards, n’ayant pas quitté le château paternel, vaquaient l’un à ses gestions, l’autre à ses aumônes, parmi les atrocités de la Révolution provinciale. Et terrible — plus terrible qu’en aucun lieu de la République — fut la Terreur sur les biens d’Outremort. Après tant d’émeutes, Jacques Bonhomme était passé maître ès arts. Les croquants furent impitoyables. Ils étaient menés par un furieux patriote, nommé Houlon, qui joua céans le rôle de Carrier à Nantes. Sur son décret, les sans-culottes et les tricoteuses du pays s’emparèrent de l’ambassadeur et de la chanoinesse. Mille dérisions leur étaient réservées. Pour finir, on les pendit à la lanterne d’un pignon, sur la place du village, au pied du manoir. Un féal serviteur les décrocha nuitamment, leur donna la sépulture de tradition, dans le château, puis se verrouilla jusqu’au 9 thermidor. Le Consulat vit cet homme de bien restituer l’apanage au marquis Théo-