Page:Renard - Outremort et autres histoires singulières, Louis-Michaud, 1913.djvu/185

Cette page a été validée par deux contributeurs.
181
LE BROUILLARD DU 26 OCTOBRE

Il eut un sourire indéfinissable, et cria vers la bête humaine :

— « Ohé ! grand-papa ! »

Et il se mit à rire, certainement pour me dérider. Je n’en avais pas envie ; je n’en eus pas licence.

Notre aïeul étendit un bras démesuré soulevant la toge de cuir. Sa bouche, ouverte, devenait une gueule armée de crocs. Une voix glapissante, un aboiement compliqué s’en échappait avec des coups de gosier qui faisaient sauter la gorge famélique, pareillement à celle des chanteurs italiens :

— « Hattouix, touix, touix ! Hirah-ah ! Râtoh ! Râtoh ! »

Quelque chose comme cela. Je me rappelle fort bien « Râtoh ! » qui, après tout, s’écrirait « râteau » sans inconvénient. Et, croyez-moi, c’était vraiment une curiosité, ce mot français, ce terme de jardinage, évocateur de mails et de boulingrins, de Versailles et de Trianon, sur les lèvres à peine ourlées du gorille adamique.

Or, à l’époque miocène, « Râtoh ! » voulait dire sans doute : « À moi, mes gars ! » ou bien :