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LE BROUILLARD DU 26 OCTOBRE

des ombres-têtes, puis plus rien. Et pendant que nous regardions nos corps s’enlizer dans l’invisible, eux, nos corps, subissaient l’abominable épreuve de plonger peu à peu dans un fluide oppressif et glacé, plus affreux que la mort. Je ne voyais même plus mes doigts contre mes cils. Aveugle par l’opération d’un météore, je puis dire que j’étais en quelque sorte hérissé de tous mes nerfs. Ah ! pour le coup, certitude ! Certitude qu’on pouvait frémir à bon escient ! Tout à l’heure mes intuitions ne m’avaient pas trompé. Une nouveauté s’accomplissait. Le savoir du professeur et l’instinct de la bête s’accordaient là-dessus en moi-même ; tous deux maintenant espéraient une merveille et craignaient un cataclysme.

Le géologue emboucha mon oreille. Il criait paisiblement, à la manière des personnes qui conversent de part et d’autre d’un obstacle :

— « Ce qui me surprend, voyez-vous, c’est qu’un brouillard hygrométrique à ce point ne se résolve pas en averse, — que dis-je ! en flocons ! en grêlons !… Et ce qui m’étonne