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la vision

s’exaltait ; Mady, moins exubérante, contenait la joie qui brillait dans ses yeux ; Bobette, ayant de l’esprit, parlait très haut. On était un brin échevelés… Nous goûtions la vie à pleins bords. Christiane elle-même semblait tout heureuse. Il y a de ces jours dans l’existence, comme il y a des fleurs dans la forêt.

— Entrons ! Entrons là !

Nous montâmes un perron de bois. L’établissement s’intitulait Palais des Miroirs. À droite et à gauche, deux inscriptions disaient : Allons rire et s’amuser ! — Spectacle parisien et de satisfaction.

Une portière soulevée, nous pénétrâmes. Il fallut aussitôt redescendre quelques marches, et nous retrouvâmes sous nos pieds la terre fruste.

Peu de curieux. Quelques soldats. L’endroit, au premier abord, n’avait rien d’agréable. Une sorte de silence y régnait, après le tumulte assourdissant du dehors. Cependant une femme, prise d’un fou rire, gloussait à perdre haleine, et, brusquement, Bobette se mit à s’esclaffer.

Il n’y avait là que des miroirs. De hauts miroirs rangés l’un à côté de l’autre, le long des murs de toile. Des miroirs ondulés, déformants. On s’y voyait, de cadre en cadre, diversement monstrueux. Chaque glace vous estropiait à sa façon, vous repétrissait dans l’horreur