Page:Renard - Le carnaval du mystère, 1929.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
le carnaval du mystère

véritablement, que ce pèlerinage ? Qu’allais-je chercher dans la vieille maison fermée depuis vingt ans ? Un réconfort ? Une caresse ? Un appel à l’énergie ? Un voluptueux surcroît de douleur ? Une invitation à la retraite ?

Je pris le train. Je voyageai vers le passé. Une voiture villageoise m’attendait à la station où je descendis. Enfin le vieillard qui, depuis vingt ans, gardait le domaine, ouvrit pour moi le portail vermoulu et la maison décrépite.

Le matin rayonnait. Par les fenêtres si longtemps closes, le grand soleil dardait sa lumière véhémente ; et les bonnes vieilles choses, éblouies, m’en paraissaient gênées, au point que je leur prêtai des yeux clignotants.

La maison, que les paysans appelaient « le château », était vaste. Je passai d’abord de chambre en chambre avec une hâte singulière, impatient d’avoir parcouru le logis et de m’être assuré que rien ici n’avait changé, d’un bout à l’autre et du haut en bas. Avais-je donc grandi depuis vingt ans ? Ou bien la demeure avait-elle fini par se ratatiner, comme une centenaire qu’elle était ? Ce fut ma première impression, aussitôt noyée dans l’afflux tumultueux des souvenirs. Surgi du décor et de ses arômes, un monde d’apparitions émouvantes se levait sous mes pas. L’escorte de mon enfance m’entourait d’une foule irréelle et flottante. Une émotion exquise, et pourtant funèbre me tenait