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le carnaval du mystère

— Autrefois, reprit Mme Lefreu, la princesse y montait chaque jour. Elle seule en faisait les honneurs à de rares privilégiés. Elle seule arrangeait sur de nouveaux mannequins, façonnés à la ressemblance de son corps, les toilettes qu’elle ne mettrait plus. — Il y a neuf ans, la pauvre femme a été frappée de paralysie. Elle n’a reparlé qu’une fois de sa garde-robe, et ce fut pour en interdire non seulement l’entrée, mais jusqu’à l’ouverture. — Alors ?…

Ayant fait une pause interrogative et me voyant tout penaud, Mme Lefreu poursuivit :

— Connaissez-vous, au moins, l’origine de cette fameuse friperie ? Non ?

» Eh bien, cela date de 1843 ; la princesse avait dix ans. Un beau jour, sa mère, la marquise d’Orbéval, s’avisa qu’il serait regrettable de ne point conserver certain costume de chez Popelin-Ducarre qui, pendant une saison, avait valu mille compliments à la fillette. Ridicule aujourd’hui avec son cotillon de taffetas écossais que dépasse un bête pantalon de lingerie, ce costume fut la première pièce d’une collection unique dans les annales du vêtement. Depuis lors, Mme d’Ombrevannes a gardé pieusement non toutes ses robes (songez donc !) mais les principales, je veux dire les plus précieuses pour l’histoire de la mode et celle de sa vie. Soixante ans d’élégances et de souvenirs habitent sous les combles de cet