— C’est bien le paysage qui vous émeut ? lui demandai-je. Ce n’est pas le tableau même ?
— C’est le paysage, môssieu ; j’en suis certain. En quelque manière, je me le rappelle ; quoique… Mais comment dire ? Que serait cette chose, cette tristesse qu’il éveille en moi, sinon un souvenir ?…
— Mais, monsieur Liserot, il n’y a pas là de quoi vous tourmenter ! Le phénomène est connu, — bien qu’il demeure mystérieux, j’en conviens. Souvent on a l’illusion d’avoir déjà vu ce qu’on voit cependant pour la première fois… Vous n’en avez pas l’étrenne !
— Cela est possible, môssieu, concéda M. Liserot qui s’était remis à contempler le tableau. Mais je n’avais pas encore éprouvé cette sensation. Et elle m’agite.
— Quoi, monsieur Liserot ! Persisterait-elle ? Voilà qui serait nouveau. D’habitude, ces faux souvenirs passent comme des éclairs.
— Elle persiste, môssieu, déclara le petit vieillard avec angoisse.
Je me pris à rire de sa mine effarée.
— Eh bien ! lui dis-je, je vous promets de faire l’impossible pour identifier ce site. Quand nous connaîtrons le nom du village et quelle est cette montagne, peut-être retrouverez-vous dans votre mémoire l’origine du sentiment qui vous obsède.