Angèle, qui est morte il y a deux ans ? Non ? Eh bien, c’était du temps que Paul habitait avec sa mère. Angèle logeait au-dessus d’eux, dans sa famille, — une pauvre petite, mal venue, pas belle, et qui savait bien qu’elle n’avait pas longtemps à vivre. Moi, je n’avais jamais vu Paul, à cette époque-là. Mais Angèle travaillait dans la maison où j’étais dactylographe. On était bonnes amies.
» Un soir qu’on sortait toutes les deux, la journée faite, elle me dit, avec sa voix d’infirme, en rougissant :
» — Jeanne, j’ai confiance en vous. Est-ce que vous voudriez me rendre un service et faire à la fois une bonne œuvre, sans jamais en parler à personne ?
» — Bien sûr !
» — Alors, voilà : il s’agirait de dactylographier, de temps en temps, des lettres, pour les envoyer à quelqu’un…
» — Pas des lettres anonymes, au moins ?
» Elle sourit :
» — Comprenez-moi, Jeanne. C’est un jeune homme très bon, très intelligent, mais qu’on ne trouve pas très beau. Je sais qu’il est malheureux à cause de cela. Ses amis, ses camarades ont des bonnes fortunes. On les aime, eux. Lui, non. Du moins, s’il est aimé… il ne le sait pas.
» J’ai regardé Angèle à ce moment-là… Ça m’a suffi pour être renseignée.