nous causâmes cœur à cœur. Bien entendu, il me fallut, pour commencer, répondre à mille questions touchant ma campagne, — ce que je fis de bonne grâce, en observant le visage d’Arnoldson, où peu à peu je relevai les marques d’une grande fatigue et je ne sais quel changement que je m’efforçai de préciser.
Le modelé de ses traits, naguère si délicats, s’empâtait d’une imperceptible bouffissure. C’en était fait de sa pâleur mate, si remarquable ; la peau des joues et du nez semblait cirée. Le cheveu, devenu rare, s’était terni en grisonnant. Et l’œil m’inquiéta, d’être trop brillant, trop fixe, changeant, hagard tout à coup et tout à coup perdu. Quelques rides aussi, d’un caractère imprévu : deux surtout, anxieuses, entre les sourcils… Et puis, à présent, le corps tassé se courbait.
J’esquissai de mon voyage un aperçu rapide, et, grandement ému, à la façon de tous ceux qui provoquent le destin, je priai Arnoldson de me parler de lui.
— Je travaille, dit-il.
Sa voix avait labouré le silence, d’un soc profond. Il répéta, en désignant du regard sa table couverte de cahiers :
— Je travaille sans relâche, nuit et jour. Oui, mon cher Christian, nuit et jour, sans perdre une minute !
Et répondant à mon interrogation muette :