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le carnaval du mystère

Le soleil couchant fit luire la médaille militaire et les boutons de cuivre de la veste. M. Jules accrocha comme d’habitude, à la patère, sa casquette de garçon de bureau. Puis, sans un mot, sans un bonsoir du regard ou du geste, il s’assit dans un coin.

Alors, brusquement, elle fut saisie d’un froid de noyade, suffoquée d’une immersion tragique ; et il y eut un moment de stupeur désespérée avant qu’elle jetât son nom en cri d’épouvante :

— Jules !…

Rien.

Alors, en sanglots qui éclatent :

— Jules ! Jules !…

Pour toute réponse, avec une grimace burlesque et douloureuse, il s’enfonça les doigts dans les yeux. Et elle le regardait, la bouche ouverte, les prunelles affolées, comme si rien au monde n’eût été plus effrayant que ce vieil homme taciturne qui pleurait.

— Oh ! Oh ! gémit-elle.

Et c’était, rauque et grave, une plainte affreuse qui se précipitait, devenait plus aiguë… Mme Jules enfin s’abattit sur le lit, mordant ses poings pour étouffer les hurlements qui lui échappaient, et criant dans ses paumes :

— Georges ! Georges ! Mon petit !… Oh ! oh !… mon chéri, mon Georges !

Le vieux, secoué de crispations et courbé sur sa chaise, sanglotait.