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LE VIGNERON DANS LA VIGNE


garantis que je ne crains pas un merle aux alentours.

Ce souvenir nous rapproche et nous attendrit.

Et je l’aime encore, mon ami Robert, parce qu’il est de son village et qu’il refuse de le quitter. Paris ne l’attire jamais ; il l’ignore, il prétend que c’est une ville comme une autre et il ne fait pas le projet d’y aller pour l’Exposition.

Il vit content. Homme de journées, il travaille à la terre plus qu’il ne veut. Quand il a fini chez les autres, il s’occupe dans son jardin. Il ne décesse pas. Il gagne largement de quoi ne pas mourir de faim. Sans être gros et gras, il se porte bien. Il mange surtout du pain ; il mange aussi beaucoup de salade et de caillé. Il boit de l’eau fraîche et l’air pur est à discrétion.

Sa main râpe un peu la mienne, ses oreilles gelées par le froid, grillées par le soleil, semblent avoir été, comme des feuilles, en proie aux bêtes, mais il a l’œil vif et il se tient ferme. Si la teinte de ses cheveux est indéfinissable,