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LE VIGNERON DANS SA VIGNE

Elle avait essayé de se téter toute seule avec une pipe, mais rien ne vaut la bouche humaine.

— Et vous étiez une nourrissonne habile ?

— Oui, sans me vanter. Au début, encore demoiselle, je me cachais, par peur des domestiques qui se seraient moqués de moi. Puis la nouvelle s’est répandue que je tétais mieux que personne. Dès qu’une femme était embarrassée, elle m’appelait. Une fois mariée, je n’ai jamais refusé ce service.

— Votre réputation n’a pas empêché Philippe de vous aimer ?

— Au contraire, dit Philippe. Elle était grasse du lait d’autrui, fraîche et blanche, et elle me plaisait beaucoup.

— Eh bien ! Vous ne me croirez pas, dit madame Philippe ; j’ai tété charitablement toutes les femmes du pays qui ont eu besoin de moi, et aucune d’elles n’a voulu me téter ; quand je leur montrais mes seins lourds, elles faisaient la grimace et filaient comme des lapins.