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LE VIGNERON DANS LA VIGNE


comme si j’avais peur d’être vu, de me voir.

Mais il faut que j’étrangle celle qui ne veut pas mourir. Entre mes doigts, elle griffe l’air, elle ouvre le bec, sa fine langue palpite, et sur ses yeux, dit Homère, descend l’ombre de la mort.


Là-bas, le paysan lève la tête à mon coup de feu et me regarde.

C’est un juge, cet homme de travail ; il va me parler, il va me faire honte d’une voix grave.

Mais non : tantôt c’est un paysan jaloux qui bisque de ne pas chasser comme moi, tantôt c’est un brave paysan que j’amuse et qui m’indique où sont allées mes perdrix.

Jamais ce n’est l’interprète indigné de la nature.


Je rentre ce matin, après cinq heures de marche, la carnassière vide, la tête basse et le fusil lourd. Il fait une chaleur d’orage et mon chien, éreinté, va devant moi, à petits