Croyez-vous en Dieu, Honorine, autant que
si vous étiez jeune ?
— Autant, dit-elle, mais je l’aime moins.
— Ah ! qu’est-ce que vous lui reprochez ?
— Deux injustices que je ne m’explique pas. Je lui pardonne le reste, mais d’abord pourquoi permet-il que le mauvais temps abîme les récoltes ? Pourquoi nous ôte-t-il le lendemain ce qu’il nous a donné la veille ? Il vient de me reprendre les cerises de mon jardin. Il me les a grillées avec son soleil. Puisqu’il est le bon Dieu, pourquoi s’amuse-t-il à nous jouer des farces ?
— Peut-être qu’il n’existe pas ?
— Ma foi, on le dirait.
— Vous doutez, Honorine ?
— Je ne doute pas, je regrette mes cerises. Et pourquoi fait-il mourir les jeunes avant les vieux ? Pierre, mon dernier petit-fils, est mort cet hiver, et moi, une vieille propre à rien, je suis toujours là !
— Ne pleurez pas, Honorine, vous irez au paradis rejoindre votre Pierre. J’espère que vous croyez au paradis.