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LE VIGNERON DANS LA VIGNE


les autres noyés, les autres enlevés soudain par de mauvaises fièvres ; elle avait eu même un fils tué à la guerre, elle ne saurait dire quelle guerre, et elle avait tout accepté sans se plaindre, mais elle ne veut pas accepter le déshonneur. Pourquoi ? On s’étonne, à la voir si usée, flétrie, réduite et près de la mort, que le déshonneur de sa petite-fille ne lui soit pas égal comme le reste. Elle en est tombée malade de honte. Elle a dû se mettre au lit : la tête prise, elle ne connaissait personne. Elle s’imaginait que c’était fini. Elle a voulu recevoir Dieu. Il est venu et reparti sans elle, et c’est à recommencer. La voilà encore sur pied, mais du coup bonne à rien. D’ailleurs les ménages où elle lavait ont profité de sa maladie pour changer de laveuse. Il est temps qu’elle se laisse vivre de ses rentes. C’est dommage qu’après avoir travaillé plus que n’importe qui au monde, elle n’ait pas un sou d’économie. Elle est, comme elle dit, à pain et à bois cherchés.

Elle ose bien chercher son bois, parce que c’est presque un travail comme un autre, qui