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délibération

Tiburce. — Et s’il avait fait exécuter l’escamotage par des complices, pendant que lui se procurait un alibi ?

Moi. — Alors, ma fille et ma nièce ne seraient donc prisonnières que par occasion ? Hatkins retiendrait mon neveu jusqu’à ce qu’il ait souscrit à ses volontés ?…

Garan. — Non, non, non, et cent fois non ! Ce n’est pas Hatkins. Il achèterait n’importe quoi, ce yankee, mais il ne peut faire que du bien.

M. d’Agnès. — C’est tout à fait mon avis.

Moi. — Et le mien.

Maxime. — Parbleu !

Robert. — J’ai la conviction que ce n’est pas lui.

Tiburce. — Et moi je suis sûr que c’est lui !

Calixte. — À la bonne heure !

Moi, à Tiburce. — Mais pourquoi êtes-vous sûr ?

Tiburce. — Je n’en sais rien. C’est une idée comme ça.

Garan, haussant les épaules. — Et comment s’y est-il pris, s’il vous plait ?

Tiburce. — Ça, je n’en sais rien non plus.

Moi. — Allons, allons ! nous pataugeons, et le temps passe, et il faut agir, encore un coup ! — Que chacun donne son avis. Moi, je flotte, j’hésite. Je ne distingue pas de raisons… et pourtant il me semble bien que c’est un enlèvement… mais un enlèvement des trois promeneurs au même titre… impersonnel. Un enlèvement par des bandits (que voulez-vous, j’en reviens toujours là !)… des bandits qui vont exiger une rançon…

Maxime. — Vous y êtes, papa. Ce sont des espèces de pirates, des écumeurs de terre, disposant de moyens nouveaux et puissants, inintelligibles pour le moment. Ils attendent que vous soyez « à point », vous et mon oncle, pour vous écrire. Ils attendent que vous soyez au comble de l’affolement et prêts à tous les sacrifices. Ensuite ils réaliseront peut-être d’autres captures et d’autres gains.

Mme Arquedouve. — Ne croyez-vous pas que les déprédations attribuées aux Sarvants ont un lien quelconque avec notre malheur ?

M. d’Agnès. — Si fait, madame. Elles ont terrorisé la contrée, facilité les rapts, aggravé l’inquiétude : elles proviennent des mêmes forbans. Ils se sont livrés à la contrefaçon des spectres. Et, pour ma part, je ne serais pas surpris que ces exploiteurs ne fassent connaître leur but, leurs exigences et leur identité qu’après avoir commis nombre d’enlèvements, afin d’accréditer plus longtemps la fable des Sarvants et d’obtenir, par ce procédé, une hausse du tarif des restitutions. Les campagnards paieront moins douloureusement à l’heure où la