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délibération

Evans est le frère du secrétaire d’ambassade récemment nommé à Paris. Sa famille n’a aucune relation en France. Peu de fortune. Donc ne possédant pas les moyens de préparer et d’exécuter un enlèvement de cet acabit. Au surplus, comme vous le dites, Evans est parti le… voyons… le 20 avril, autrement dit treize jours avant le rapt. Rien à faire par là. — Le troisième postulant ?

Moi. — Don Pablo de las Almeras, l’attaché militaire…

Garan. — Ah ! celui-là serait capable de bien des équipées ! Cerveau brûlé, fêtard, millionnaire et Espagnol, ce serait lui que je soupçonnerais… s’il n’était fiancé depuis quelques jours à Mlle da Posta-Xérez, — et fiancé pour de bon !

Lucie, amèrement. — Il a vite oublié Marie-Thérèse…

Garan. — Maintenant : quelqu’un aurait-il enlevé Mlle Le Tellier sans l’avoir demandée en mariage ? avec son propre assentiment ?

Maxime. — Non, monsieur… Ma sœur n’avait pas de secret pour moi. J’affirme que non.

Garan. — Monsieur Maxime, j’aimerais entendre cela d’une autre bouche que la vôtre.

Maxime, violemment. — Que voulez-vous dire ? (On le calme.)

Garan. — Il suffit. Je m’entends.

Maxime. — Je ne laisserai pas…

Mme Arquedouve. — Paix ! paix ! on discute, mon petit…

Lucie, à Garan. — Monsieur, ma fille est aussi très confiante avec moi. Le seul homme qui aurait pu l’enlever dans ces conditions — je veux dire de son plein gré — avait au contraire toutes sortes de raisons pour nous laisser Marie-Thérèse. Du reste, il est ici. C’est le duc d’Agnès. J’ajoute que ma fille n’aurait jamais consenti à fuir de cette façon.

Augustine. — Mais, monsieur, voyons ! un enlèvement de cette nature n’aurait pas comporté celui de mon fils et de sa femme !

Garan. — Pardon. On les aurait confisqués accessoirement, pour supprimer deux témoins. — Mais je vois qu’il faut renoncer à éclaircir les choses en prenant Mlle Le Tellier comme victime principale. Étudions à présent le côté Monbardeau. En ce qui touche Mme Henri Monbardeau, mon enquête d’Artemare est concluante. Une seule personne avait profit à se l’approprier : c’est son ancien soupirant, le nommé Raflin…

Calixte. — Vous savez donc tout ?

Garan. — On est bavard à la campagne — … le nommé Raflin, dis-je, qu’il faut récuser, ce garçon étant incapable de machiner une telle opération et, de plus, gardant la chambre, à Artemare, depuis deux mois, avec une fracture de la jambe