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à la cime du colombier

aux aigles !… Or je vous défie d’évaluer la taille d’un oiseau qui passe aux environs du zénith, — parce que vous ne pouvez pas mesurer la hauteur de son passage. Il faut connaître l’un des deux facteurs pour en déduire l’autre ; et si… »

— « Fort exact, monsieur. »

— « … et si des aigles fabuleux, loin de tout objet de comparaison, avaient plané à mille mètres au-dessus des trois excursionnistes, ceux-ci les auraient pris tout bonnement pour des aigles communs, situés à quelque portée de fusil. — Cela passé, admettons qu’un de ces rapaces chimériques se soit laissé tomber sur M. Henri Monbardeau. Il le surprend, il l’enlève. Mme Fabienne Monbardeau se précipite au secours de son mari. Mais un deuxième oiseau s’abat et l’emporte. Mlle Marie-Thérèse, elle, s’élance pour assister sa cousine ; mais, apercevant le troisième aigle qui fond sur elle, la voilà qui se prend à fuir éperdument jusqu’à ce que… »

— « Taisez-vous ! » chuchota M. Le Tellier en désignant M. Monbardeau qui ouvrait des yeux effrayants.

— « Ce n’est qu’une façon de me faire comprendre, mon maître. Remettez-vous, docteur, et pardonnez-moi. C’est une hypothèse absurde et fantastique. Je ne l’ai formulée que pour matérialiser nos réflexions… Si cette conjecture était vraisemblable, l’histoire de la canne viendrait la démentir. Il faudrait imaginer des becs d’airain, suffisamment inébranlables pour qu’on y puisse rompre des bâtons. Et il n’y a pas plus de becs d’airain que de vautours capables d’enlever soixante-dix kilogrammes de chair humaine. »

M. Monbardeau s’épongea le front et dit d’une voix rauque :

— « Des oiseaux… non. Mais… des hommes… volants ?… Voyez, ici, en bas : Seyssel, Anglefort… Et pensez à la statue enlevée, là… »

— « Ha ! mon oncle ! » se récria Maxime. « De grâce, ne mêlez pas cette fumisterie au malheur qui nous frappe ! »

Mais Robert lui imposa silence :

— « Voilà encore une supposition d’aspect lunatique, et pourtant je l’ai envisagée, elle aussi ; car j’estime que,