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à la cime du colombier

rude, qui râpait le versant, lui emporta son chapeau tyrolien. Quand il s’arrêtait, il n’osait pas jeter de regards en arrière, à cause du vertige ; et ainsi se privait-il de contempler, tout en bas, l’étalement fastueux du Valromey et les toits lilliputiens de Virieu-le-tout-Petit.

M. Monbardeau et M. Le Tellier, pris d’une ardente curiosité, serraient les lèvres pour s’empêcher de questionner Maxime ou Robert.

Ce dernier, qui devançait tout le monde — et que la gravité des circonstances avait singulièrement déluré — atteignit le bord de la housse blanche, et s’arrêta. Les aigles tournoyants s’élevèrent. On entendait la neige pétiller sous le soleil. À cinquante mètres plus haut, le vent faisait siffler la croix.

— « Ah ! » s’écria M. Monbardeau. « Il y a des pas sur la neige ! »

— « Ne faites pas d’autres empreintes ! » recommanda Maxime. « Restez en dehors. »

Robert assujettit ses lunettes, et parla.

— « C’est ici que nous retrouvons la trace de ceux que nous cherchons. À coup sûr, ils ont suivi le chemin que nous venons de parcourir. Leur promenade avait pour but la croix du Colombier. Ils furent les premiers à faire, cette année, l’excursion traditionnelle ; et la neige a modelé leur passage, dont la terre sèche, le gazon et les rochers n’avaient rien conservé. »

— « Êtes-vous certain que ce soient eux ? » fit Garan.

— « Absolument. Écoutez-moi et regardez. Nous sommes en présence de trois traces parallèles qui entament la carpette de neige à trois mètres environ l’une de l’autre et qui montent vers le sommet. Elles sont récentes et de même date ; car la fonte les a déformées légèrement et pareillement. De plus, cet intervalle de trois mètres est bien celui que prennent entre eux des compagnons d’escalade. Témoin ce que nous venons de faire nous-mêmes. — Donc, trois personnes sont venues ici, ensemble, depuis peu.

» Eh bien, je dis que la trace de gauche est celle de M. Henri Monbardeau. C’est la seule, en effet, qui soit faite par des souliers d’homme, — des souliers de touriste, larges et cloutés pour la montagne. Les deux