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vii

L’Attente et l’Arrivée des Renforts



Le lendemain matin, vers huit heures, on se réunit comme à l’ordinaire dans la salle à manger de Mirastel. M. et Mme Monbardeau s’y trouvaient ; l’horreur d’être seuls les avait saisis au moment de réoccuper la maison d’Artemare, et Mme Arquedouve leur donnait asile jusqu’à nouvel ordre.

Mauvaise nuit. L’extrême lassitude et l’angoisse avaient tenu chacun dans l’insomnie. La pluie tombait encore. Ils la maudissaient de venir trop tard et de rendre la terre sensible aux empreintes quand il n’était plus temps.

Aucune nouvelle. Robert Collin n’était pas rentré, le duc d’Agnès pas arrivé, et le courrier n’avait pas apporté à M. Le Tellier la lettre de chantage qu’il attendait, qu’il espérait !

On parlait beaucoup, de peur que le silence laissât trop de latitude aux imaginations. Mme Le Tellier, en plus de son chagrin, ressentait un grand dépit de ce que Marie-Thérèse eût disparu à la minute même où le duc d’Agnès avait sollicité l’honneur d’être son gendre. Elle s’échauffait, sanglotait, et disait dans son désespoir mêlé de rancune :

— « J’aimerais mieux… oh ! j’aimerais mieux l’avoir mariée au Turc, tenez ! plutôt que d’ignorer ce qu’on lui fait à cet instant !… »

Et elle pleurait de plus belle, avant de proférer d’autres extravagances.