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l’alarme

voilà… La journée a passé… Au dîner, personne encore ! Et pas de nouvelles ! Pas de messager disant : jambe cassée, accident, et cœtera… Rien ! rien !… Il était déjà très tard quand j’ai commencé à chercher… Ténèbres… Parcouru les villages. Mais les gens s’effrayaient, me traitaient de Sarvant ! refusaient de m’ouvrir, les brutes ! et ne répondaient pas… Parcouru les bois. Crié, comme un fou, au hasard, stupidement… À l’aube, je suis rentré, dans l’espérance de les retrouver à la maison… Mais non !… Et Augustine dans un état !… Alors, je me suis décidé à venir ici… Je craignais d’épouvanter les femmes. J’ai pris par la métairie, afin de ne pas les rencontrer dans le parc. Il m’avait semblé entrevoir Mme Arquedouve et Marie-Thérèse… »

— « Marie-Thérèse ?… Allons, mon bon vieux, remettons-nous ! Tu es mal d’aplomb. Il faut garder sa tête, morbleu ! Tu sais bien que Marie-Thérèse est chez toi depuis vingt-quatre heures. Rappelle tes souvenirs, voyons ! Elle a déjeuné avec vous hier matin, et… »

— « Déjeuné ? Marie-Thérèse ? Hier matin ?… Jamais de la vie ! Nous ne l’avons pas vue… Mais alors… Mais… »

M. Le Tellier se sent pâlir tout entier. Il regarde, sans le voir, Robert Collin dont le masque est celui d’un supplicié. Et il écoute cet air d’opérette que Maxime chante toujours — et que jamais plus il ne pourra souffrir.

— « Ils ont disparu tous les trois ! » s’exclame le docteur.

— « Cherchons !… Il faut chercher tout de suite. Vite ! vite ! »

Et M. Le Tellier a l’air d’un insensé.

— « Oui », fait M. Monbardeau. « Cherchons. Mais pas comme moi. Méthodiquement. J’ai perdu, moi, le temps le plus précieux de mon existence ! »

— « Ne nous énervons pas ; tu as raison. De la logique, de la logique. »

— « Si l’on prévenait M. Maxime ? » hasarde Robert Collin. « Nous ne serons jamais trop nombreux… »

— « C’est cela », fait M. Le Tellier. « Du reste, ce n’est plus l’heure de chanter. »