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mirastel et ses habitants

retournerai à Paris dans une quinzaine. Mais je vous ai amené surtout Marie-Thérèse. »

— « Est-ce qu’elle est souffrante ? Ou quoi ?… » s’effare la grand’mère, qui pense à son autre petite-fille, Suzanne…

— « Non. Tranquillisez-vous. Mais vous savez que nous avons inauguré, le 12 avril, l’équatorial donné par M. Hatkins ?… — Qu’est-ce que tu as. Calixte ? »

Le docteur avait sursauté.

— « Rien », fait-il. « C’est ce nom de Hatkins… Continue, continue. »

— « Cette fête, ma mère, fut très brillante. D’illustres personnages, des mondains notoires et pas mal d’étrangers de marque y assistaient. Notre Marie-Thérèse, qui faisait là ses premières armes, obtint un succès fou… et depuis cet après-midi — que le diable emporte ! — j’ai reçu tant et tant de demandes en mariage, si pressantes, si flatteuses et même si… imprévues, que, nous refusant d’une part à la marier si jeune, et d’autre part ne sachant plus que répondre à l’avalanche infatigable de lettres et de visites que cette excellente raison ne suffisait point à rebuter, — nous avons pris le parti de fuir ! Ce n’était plus tenable ! Ici, nul ne viendra nous relancer. »

Mme Arquedouve prononça doucement :

— « Le duc d’Agnès, — vous savez : ce camarade de classe de Maxime, l’aviateur qui est venu à Mirastel l’année dernière, — est-ce qu’il a demandé Marie-Thérèse ? »

— « Non… »

— « C’est dommage. J’aurais aimé cela. »

— « Moi aussi », affirma Mme Le Tellier.

— « Elle aussi », conclut Mme Monbardeau.

— « Mon Dieu, » repartit l’astronome, déconcerté, « mon Dieu… le duc d’Agnès n’est pas un savant… Je ne verrais pas d’inconvénient, toutefois, à ce que… Mais il ne l’a pas demandée. »

— « En vérité, vous avez reçu tant de propositions ? » admira le docteur.

Et Mme Le Tellier, languissante :

— « Il y en avait d’impayables, figurez-vous. Un attorney de Chicago. Un officier de cavalerie espagnol. Un attaché d’ambassade hongrois. Et jusqu’à ce Turc : Abd-Ul-Kaddour ! »