Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/348

Cette page a été validée par deux contributeurs.
347
disparition du visible

même endroit, giflant la terre humide. On en compta jusqu’à trente-deux. La trente-troisième chute rendit un son très différent, de cliquetis, de ferrailles entre-choquées, et n’avait point l’aspect d’un nuage. Tout cela venait manifestement du port invisible et ne tombait vers le sud qu’à la faveur du petit vent frais.

Qu’était-ce que ces envois du monde supérieur ? Ni des hommes, ni des bêtes, assurément ; on connaissait trop leur façon de s’annoncer. Qu’est-ce que les Sarvants avaient encore imaginé ?…

On attendit le soleil avec une impatience farouche.

Il vint, et fit voir des espèces de monticule très ostensibles, au milieu du marécage. Mais il fallait renoncer à les approcher au centre de la plaine mouvante et dangereuse. — Rien ne semblait y remuer.

L’astronome prit le parti de les regarder avec sa meilleure lunette. On l’accompagna dans l’observatoire de la tour.

Le tube optique était là, monté en lunette terrestre et braqué sur la tache carrée depuis des semaines.

M. Le Tellier mit l’œil à l’oculaire.

— « Tiens ! » dit-il, « on a donc touché à ma lunette ? Je ne vois plus l’aérarium !… » Il examinait l’appareil. « Mais non, rien n’a été dérangé…, et cependant l’aérarium n’est plus dans le champ visuel ! Il a disparu !

— « Mon Dieu ! » fit Mme Monbardeau. « Quoi encore ! »

— « Disparu ? Est-ce qu’ils auraient déplacé ce palais immense ? » suggéra Maxime.

— « Une catastrophe ? » reprit le docteur. « Un tremblement du sol superaérien ? »

— « On verrait toujours quelque chose… Il ne reste rien ! » affirma l’astronome. « Rien ! au point précis où j’ai vu hier au soir le dessous de l’aér… Ah ! Attendez donc ! »

Il abaissa le petit télescope et visa les monticules au centre du marais. Le grossissement les lui détailla. C’étaient, sur l’étendue olivâtre, des tas de terre brune, et sur cette terre, enfouis aux trois quarts, beaucoup d’objets disparates : des branchages secs, des ramées grises, une masse d’informités de toutes les couleurs, où l’on distinguait une dorure à silhouette de coq…