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Disparition du visible



La lettre de Tiburce, qui avait tant ému François d’Agnès, ne produisit aucun effet sur M. Le Tellier, quand il la reçut à Mirastel par les soins du jeune duc. L’astronome et son entourage savaient à quoi s’en tenir dès longtemps. Et tous, — Maxime enfin guéri, — Mme Le Tellier, blanche et blonde à la fois et ne songeant plus guère à l’élégance, — Mme Arquedouve ! un peu ratatinée, si menue, si menue ! — et le pauvre couple des Monbardeau, vieilli, désemparé, — tous ne pensaient qu’à deux choses : examiner au télescope le fond de l’aérarium, avec les petits mouvements produits dans les vides par l’agitation des prisonniers, et reconnaître, à mesure qu’ils s’abîmaient, les cadavres précipités.

C’était toujours la nuit qu’ils tombaient. Ainsi que Robert l’avait supputé, les Sarvants devaient être plus actifs et plus à l’aise dans les ténèbres ; et il ne se passait pas de nuit sans sifflement, pas de matinée sans qu’un paysan ne vînt au château, prévenir qu’un mort s’était abattu dans sa vigne. Les campagnards avaient fini par se rassurer ; de l’aube au soir, ils travaillaient la terre engraissée de chair humaine. Parfois, en arrivant, ils trouvaient des animaux nuitamment dégringolés : parfois des hommes et des femmes. À leur appel, Maxime, son père et son oncle accouraient. Maintenant les cadavres ne portaient plus de traces anatomiques. Plus de vivisection ni de dissection, plus de tortures. Ils