— « Qu’est-ce que c’est ? » fit-elle.
Une voix d’homme répondit, obséquieuse et sourde :
— « C’est Monsieur le duc, Mademoiselle, qui demande si Mademoiselle veut bien descendre un petit moment dans son cabinet. »
— « ?… !… »
Sans rien dire, toute glacée, le sein houleux, Mlle d’Agnès se rendit chez son frère.
Il l’attendait debout, et, quoiqu’il fût à contre-jour, elle distingua ses yeux rouges et son air défait. Il lui dit à brûle-pourpoint, d’un ton extraordinairement doux et affectueux :
— « Écoute, Jeanneton… D’abord, écoute : tu aimes toujours bien Tiburce, n’est-ce pas ?… — Pauvre petit lapin, te voilà toute tremblante… Ne crois pas… »
— « Mais oui… je l’aime, Tiburce… »
— « Eh bien, mon Jeanneton, tu l’épouseras, va, mon petit lapin ; tu l’épouseras quand même. Autrefois, tu sais, j’étais inepte de m’opposer à votre mariage ; et depuis, le subordonner au succès de Tiburce, vois-tu, faire dépendre votre bonheur du mien, ça, c’était d’un égoïsme sans nom ! sans nom !… Mais tu l’épouseras, va, mon petit ! »
— « François, je te remercie de tout mon cœur… » Elle lui prenait les mains et parlait timidement. « Il… il n’a pas réussi, alors ?… Tu dis que je l’épouserai quand même ?… et tu pleures !… » Elle l’embrassait. « …Il n’a pas réussi ? »
— « Parbleu ! » s’écria le duc en chevrotant. « C’était bien sûr qu’il échouerait ! Je ne sais pas comment j’ai été assez idiot pour me raccrocher à cette hypothèse ! Mais c’est que l’autre, l’autre hypothèse, celle des Sarvants, était si affreuse !… Si affreuse et si définitive ! Tiens, j’ai encore vu deux ingénieurs ce matin, et mon courrier… ce n’est que des réponses d’ingénieurs ! Tout ça : désespérant ! Jamais on n’ira là-haut. Jamais ! jamais ! jamais !… »
Mlle d’Agnès reprit tendrement :
— « Tu as une lettre de Tiburce ? »
— « Oui. La voilà. C’est pour te la faire lire et pour te rassurer en même temps que je t’ai demandée. »
Elle déploya le billet.