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Apparition de l’invisible



Après le départ du savant dont l’autorité avait dominé la phase parisienne du Péril Bleu, on profita de sa retraite pour mettre à exécution certain projet que l’astronome avait toujours combattu. Nous voulons parler de l’admission du public au Grand-Palais. M. Le Tellier ne s’y opposait pas en principe, mais il soutenait avec raison qu’elle devait être gratuite, et que, en tout cas, il fallait attendre que l’aéroscaphe cessât d’être invisible, au moins en partie, grâce à l’intermédiaire d’une peinture ou de tout autre procédé.

Malheureusement, le public grondait. (C’est-à-dire que trois ou quatre publicistes le faisaient gronder.) On vit le moment où la question deviendrait électorale, et, encore que le sous-aérien fût toujours rétif à tout maquillage visibilisateur, l’accession du peuple fut décidée et taxée à cinquante centimes par tête, au profit des sinistrés bugistes. — L’entrée payante ne fut imposée que pour éviter l’encombrement.

Dès le premier jour, dimanche 22 septembre, il arriva ce qu’avait prédit M. Le Tellier. La foule aperçut, en tout et pour tout, une haute et solide barrière défendant un enclos inoccupé ; des agents de police la doublaient à l’intérieur. C’était bien le cas de dire qu’on avait payé pour ne rien voir. Dans l’âme obtuse de la multitude, cette idée avait pris corps que « fichtre, on verrait toujours, à n’importe quoi, que ce truc-là était invisible ! » Et l’on voulait voir ! Et l’on était furibond de ne rien voir pour ses dix sous !

Une émeute éclata, « On nous vole ! C’est une super-